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La Création (1)

27 Φεβρουαρίου 2010

La Création (1)

Le monde a été créé par la volonté de Dieu. Il est d’une autre nature que Dieu, il existe en dehors de Dieu, « non par le lieu mais par la nature » (saint Jean Damascène). Ces simples affirmations de la foi ouvrent sur un mystère aussi insondable que celui de l’être divin : le mystère de l’être créé, la réalité d’un être extérieur à la toute présence de Dieu, libre par rapport à sa toute-puissance, d’une intériorité radicalement nouvelle face à la plénitude trinitaire, pour tout dire la réalité de l’autre que Dieu, l’irréductible densité ontologique de l’autre.

Seul le christianisme, plus exactement la tradition judéo-chrétienne, connaît la notion absolue de création. La création ex-nihilo est un dogme de la foi. Elle trouve sa première expression dans la Bible, au second livre des Maccabées (7,28) où une mère, exhortant son fils au martyre, lui dit:  Ancore…. « Regarde le ciel et la terre, et en voyant tout ce qui s’y trouve, tu comprendras que Dieu les a créés de rien. » (ek ouk ontôn, selon la traduction des Septante). Si l’on se souvient que le ouk est une négation radicale qui, à la différence de l’autre adverbe de négation mê, ne laisse aucune place au doute, et qu’il est employé ici systématiquement, contre les règles de la grammaire, on mesurera toute la portée de l’expression : Dieu n’a pas créé à partir de quelque chose, mais à partir de ce qui n’est pas, du « néant ».

Rien de tel dans les autres religions ou métaphysiques. Tantôt la création se fait à partir d’une possibilité d’être éternellement offerte à la mise en ordre démiurgique : telle la matière première de la pensée antique, que l’être immuable informe. En soi cette matière n’est pas réellement ; elle est une pure possibilité d’être, le non-être sans doute, mais le mê on, qui n’est pas le néant absolu, ouk on. Par reflet, elle reçoit une certaine vraisemblance, précaire évocation du monde des idées : tel est surtout le dualisme platonicien, mais telle aussi, à quelques différences près, la mise en forme perpétuelle de la matière chez Aristote.

Tantôt nous rencontrons l’idée d’une création comme processus divin. Dieu crée à partir de son être propre, souvent par une polarisation primordiale qui engendre toute la multiplicité de l’univers. Le monde est alors manifestation ou émanation de la divinité. Telle est la conception fondamentale de l’Inde, que nous retrouvons dans l’univers hellénistique avec la gnose et dont la pensée plotinienne, qui tend vers un monisme, est très proche. Alors la cosmogonie devient une théogonie : l’absolu se relativise par étapes de « condensation » descendante, il se manifeste et se dégrade dans l’univers. Le monde est un Dieu déchu qui tend à redevenir Dieu ; son origine réside tantôt dans une mystérieuse catastrophe qu’on pourrait appeler chute de Dieu, tantôt dans une nécessité interne, dans une étrange passion cosmique où Dieu cherche à prendre conscience de lui-même, tantôt dans une temporalité cyclique de manifestations et de résorptions qui semblent s’imposer à Dieu même.

Dans les deux cas, l’idée d’une création ex-nihilo n’existe pas. Car, pour le christianisme, la matière elle-même est créée ; cette matière mystérieuse dont Platon disait qu’elle n’est saisissable que par des concepts bâtards, cette pure possibilité d’être est elle-même créée, comme l’a remarquablement montré saint Augustin. Et d’autre part, comment la création pourrait-elle avoir un substrat incréé, comment serait-elle Dieu dédoublé, puisqu’elle est par essence l’autre que Dieu ?

Sources: Textes extraits du périodique « La Vie Spirituelle », éditions du Cerf, Novembre-décembre 1987. 67e année. N° 677. Tome 141 & Icônes de Léonide A. Ouspensky et du Moine Grégoire Krug, amis de V. L., extraites de l’ouvrage “L’iconographie de l’église des Trois Saints Hiérarques”, Paris 2001.