Vie de Joseph l’Hésychaste (13): Une patience inébranlable dans les épreuves

Le Père Joseph l'Hésychaste sur les lieux de ses combats ascétiques, à la Petite Sainte-Anne

À Saint-Basile, l’Ancien, bien malgré lui, commença à être connu. Plusieurs, désirant mener la vie monastique sous sa direction, se présentèrent, entre autres son propre frère Nicolas, le futur Père Athanase. Enfin le fameux Père Éphrem de Katounakia, tout en demeurant dans l’obéissance à son Ancien légitime, venait régulièrement recevoir l’enseignement de l’Ancien Joseph et célébrait la Liturgie. Encore…Nombreux sont ceux qui passèrent et y trouvèrent profit, mais presque tous partirent. À la lumière de sa propre expérience, l’Ancien exigeait de la part des postulants une obéissance totale. Personne ne pouvait rester auprès de lui s’il ne se rayait pas volontairement du nombre des vivants, s’il ne mourrait pas au monde et ne considérait pas le monde mort à ses propres yeux. L’Ancien disait de façon caractéristique : « je veux faire des moines, des vrais moines. » La pierre d’achoppement était toujours la volonté propre. Non seulement ils ne progressaient pas, mais encore ils gênaient l’Ancien et le Père Arsène dans leur programme de vie ascétique. En plus de cela, de nombreuses personnes venaient le consulter à cause de sa renommée grandissante. Pour toutes ces raisons, l’Ancien décida de partir une fois de plus, avec le Père Arsène et le Père Athanase, dans un endroit impraticable pour préserver leur hésychia.

Sur la pente abrupte Sud-ouest de l’Athos, à plus de 300 mètres d’altitude, est perché le groupement monastique de Sainte-Anne, composé de cabanes étagées en terrasses les unes derrière les autres. À l’époque, 200 moines y vivaient. Dans les hauteurs se trouvaient deux grottes, grandes cavités peu connues où avaient vécu quelques Russes. Il n’y avait pas de chemin et juste une étroite corniche, délimitée d’un côté par un rocher et de l’autre par le précipice. Ils n’y trouvèrent que les deux citernes qu’avaient bâties les Russes, les nettoyèrent puis posèrent des gouttières sur les rochers pour y canaliser l’eau de pluie. Comme l’eau récoltée ne suffisait pas pour les besoin de la construction des bâtiments, le Père Arsène en transportait depuis un puits éloigné. Un jour de grande chaleur, l’Ancien le prit en pitié et pria en ces termes : « Très Sainte Mère-de-Dieu, règle pour nous, je t’en prie, le problème de l’eau, parce que le Père Arsène se fatigue beaucoup ! » et il entendit aussitôt un goutte à goutte venir du rocher qui dès lors suintait en quantité suffisante.

Ils construisirent dans les deux creux du rocher une chapelle consacrée à saint Jean-Baptiste et une cabane à trois compartiments d’un mètre cinquante sur un mètre quatre-vingt, en laissant un espace derrière pour que le fond de la grotte serve de remise. La fenêtre des cellules servait aussi de porte. Glaciales l’hiver, brûlantes l’été. Ils placèrent, dans le rocher qui fermait la corniche, une porte qui n’était ouverte que trois heures par jour, le matin. Le Père Athanase, qui pourvoyait aux besoins matériels de la communauté et avait donc un emploi du temps particulier, avait sa cellule en dehors.

Dès le début de leur installation, l’Ancien eut beaucoup à souffrir de la part des démons. Il disait : « dans le monde, les Prêtres qui font des exorcismes ordonnent aux démons d’aller dans les lieux déserts. C’est comme s’ils s’étaient tous rassemblés ici ! Ah ! Si vous saviez ce que j’ai traversé ! » Quand il voulait dormir, les démons faisaient un vacarme épouvantable. Quand il veillait, des dizaines d’autres défilaient devant lui, sous la forme de magiciens ou de squelettes pour l’effrayer et le faire partir. Plusieurs fois encore, ils le frappèrent avec des gourdins.

L’Ancien finit par être à bout de forces car, en plus de la fatigue, son esprit brouillé ne pouvait plus prier ni sentir la consolation de la Grâce. Il se dit en lui-même : « je vais faire patience un mois, et si ça ne change pas je partirai d’ici ! » À la fin, il s’était effondré en larmes dans une prière plaintive et douloureuse ; puis il se dressa en levant les mains au Ciel en disant : « Seigneur, Tu ne vas pas laisser les démons vaincre aussi mes bonnes prédispositions ? Sinon, comment l’homme pourrait-il lutter ? » Soudain, sa cellule fut remplie de lumière et il entendit une douce voix lui dire : « N’endures-tu pas tout cela par amour pour moi ? » De fait, les démons disparurent et l’Ancien acquit une patience inébranlable dans les épreuves.

Source : – Texte condensé et complété, traduit de l’ouvrage : « Mon Ancien, Joseph l’Hésychaste et Troglodyte (1897-1959) » du Père Éphrem de Philothéou, éditions du Monastère de Saint Antoine, Arizona, USA 2008 (en Grec).